
Ton absence se joue
de chacun de mes jours
et chaque jour sonne
ton corps qui s’éloigne.
Ton absence se joue
de chacun de mes jours
et chaque jour sonne
ton corps qui s’éloigne.
Je cueille tes mots dans ma main,
les regardant comme s’ils
étaient les miens.
Je saisis de l’autre tes peines
et tes peurs,
que je berce sans bruit.
Je les place sur mon cœur,
c’est là qu’ils seront bien,
tandis que s’entremêlent
le jour et la nuit.
À toi l’enfant, qui jamais ne naîtra
et qui sans y paraître
en quelques battements
s’est lié à mon être.
Toi qui déjà
caressait de ta vie
mon ventre,
jusqu’alors endormi.
À toi l’enfant, qui jamais ne naîtra
comme m’importait peu de savoir
si tu pouvais déjà m’entendre
ou même simplement exister
pour pouvoir déjà t’aimer.
Comment si petit toi,
insignifiant aux yeux du monde entier
as tu pris tout cet espace?
Toi qui n’était rien
et pourtant déjà tout.
Te sachant, c’est moi qui, soudain,
ait été transformée
ébahie face aux bouleversements que tu as engendrés.
À toi l’enfant, qui jamais ne naîtra
baigné dans la nuit qui fut tienne
et la promesse déchue d’un ciel
bleu qui ne viendra pas,
que cette nuit soit douce et t’accompagne,
que les instants donnés
restent nôtres, restent là.
À l’enfant qui jamais ne naîtra,
je dis merci,
à toi, qui m’a fait don d’humilité
de joie et tristesse mêlées
cadeau le plus intense
qu’on ait pu me donner.
Je souhaite du fond de moi que ce modeste adieu puisse compter
à présent que je dois
te laisser t’en aller.
Entre les vignes le temps ruisselle
il se cache entre les rayons
des roues de nos vélos chargés
de chaque pierre, de chaque pré.
Le temps s’amuse, rit de lui-même
nous entraînant dans les ruelles
il joue avec l’ombre et le vent
en échappant à ses carcans.
Pédalant toujours plus loin
sans trop savoir ce qui nous mène
sans montre et sans portable en main
le temps devient comme l’allié
de nos chemins.
A l’ombre des
feuilles de sureau
dans le verger ou des noyers
nous firent don d’hospitalité
la nuit fut douce
et les oiseaux
firent raisonner
leurs chants sur l’eau.
Le fleuve s’écoulait à nos pieds
quant au matin lavant nos dents
la truite s’en vint nous souhaiter
nez à nez
la bonne journée.
Les muscles tirés,
nous avons bien oeuvré.
Nous avons su manoeuvrer
les fils de notre existence.
Ce soir, contre la terre,
seule la toile
nous séparera
de l’immensité.
Sur le banc
passe le temps
dans le petit village
du Lot.
Le restaurant
ferme ses portes
et le soleil
chauffe les paravents.
Les briques sombrent
dans l’heure de la digestion.
Les feuilles vertes
semblent encore
comme nourries de printemps.
Baigné de musique
et nonchalent,
l’adolescent observe
d’un air curieux
la fille sur le banc.
A la tombée du soir
le temps s’ébruite
sur le champ.
Sans illusions
coule la source,
le clapotis
des jours passant.
Une odeur d’herbe humide,
la pénombre
au calme diffusant.
Il reste un oiseau étourdi
qui danse gaiement avant la nuit.
Lenteur
sans pesanteur
ici les insectes se sont
seulement endormis.
Tout est tranquille,
mais vivant.
Pas le temps pour penser. On se doit de rester occupé.e.s.
L’horloge tourne, imprimant la cadence,
la roue ne doit pas ralentir, car on sait bien au fond,
qu’elle pourrait s’arrêter.
Pas le temps pour penser. Continuer en virevoltant
à manoeuvrer, d’écrans à écrans
et d’années en années.
Les images défilant, emplissant notre esprit
et étouffant ainsi, le sursaut potentiel,
le cri qui nous délie.
Pas le temps pour rêver. Ou bien des rêves à consommer.
Occupez moi ce temps que l’on ne saurait voir,
celui des fainéants, le temps libre et trop vide
qui saurait se remplir
de rêves et d’espoirs.
En nous plaçant devant l’écran, la chaise creuse qui attend,
en faisant monter les aiguilles, de la cadence productive,
le tout, avec rigueur et dévouement.
Pas le temps pour exister. Education, santé, humanité
et environnement, tout doit avoir un coût
et être soupesé.
Pas le temps pour penser
au temps accaparé
par de vains bénéfices, fantasques et fantômes
qui nous glissent des mains.
Je peux lire ton nom dans les feuilles d’automne,
qui me contemplent de leur éclat châtoyant,
pas encore fâné, plus tout à fait vivant,
feuilles oranges jaunies par les jours qui s’en vont.
Elles sont comme autant de regards posés,
et semblent fredonner un air lanscinant,
qui me chante que là où se pose le vent,
ton esprit est passé et a tout transformé.
Je cherchais l’aventure ailleurs,
mais c’est dans mon quotidien
que j’aimerais l’inventer.
En donnant au familier
de nouvelles significations
en m’ouvrant à l’inattendu.
Car c’est dans cet espace inconnu
que s’offrent de nouvelles possibilités.
Je t’aime comme le vent
caresse les nuages.